Un trésor retrouvé à Cluny

La découverte de monnaies d’or et d’argent à l’Abbaye de Cluny illustre l’histoire européenne dans la première moitié du XIIe siècle.

ne cornaline gravée en intaille sertie dans une bague en or pour former un sceau constitue sans doute l’objet le plus précieux du trésor qui vient d’être découvert dans l’abbaye de Cluny. Anne Baud et Anne Flammin, du Laboratoire Archéologie et archéométrie (CNRS/université Lyon 2 et Lyon 1) recherchaient à la pelle mécanique les fondations de l’ancienne infirmerie de la célèbre abbaye de Saône et Loire, lorsqu’une étudiante participant aux fouilles aperçut une pièce d’argent dans la terre. L’alerte donnée, une fouille prudente à la main ramena au jour plus de 2200 deniers et oboles d’argent frappés par l’abbaye au cours de la première moitié du XIIe siècle. Ils furent enterrés dans un sac de toile contenant un petit paquet de peau tannée et nouée protégeant une feuille d’or pliée de 24 grammes, un petit objet circulaire en or, la bague sigillaire évoquée et 21 dinars en or frappés entre 1121 et 1131 en Espagne et au Maroc, donc au sein de l’empire berbère almoravide .

Ce trésor date manifestement de la première moitié du XIIe siècle, une période pendant laquelle l’abbaye est encore à son apogée, mais commence à avoir des difficultés financières, notamment suite à la construction de Cluny III, une nouvelle église abbatiale, qui fut la plus grande d’Occident.

Qui l’a dissimulé ? Dans la mesure où il contient des deniers d’argent frappés à Cluny, qui servaient aux achats communs, une possibilité serait qu’il l’ait été par le moine cellérier, l’administrateur général du monastère. Ce haut responsable était en effet l’un des rares à pouvoir rassembler facilement les 2 200 deniers d’argent. Importante pour un individu, cette somme était relativement modeste à l’échelle d’un monastère de plus de 300 moines. Suivant les estimations du numismate Vincent Borrel, du Laboratoire Archéologie et Philologie d’Orient et d’Occident (AorOc , CNRS /ENS de Lyon), elle ne couvrait en effet  qu’environ trois jours de consommation de vin et de céréales. Les prochaines recherches devraient permettre de proposer d’autres hypothèses sur l’origine du trésor.

Quelle que soit l’identité de la personne l’ayant caché, il semble qu’elle y a adjoint une partie du cens en or que les rois de Castille avaient consenti à l’Abbaye de Cluny (300 pièces d’or annuelles qui furent réduites à 200 au milieu du XIIe siècle), sur laquelle ils s’étaient appuyés pour rechristianiser Tolède et les terres andalouses déjà reconquises. À moins que ces 21 dinars ne soient remontés à Cluny à la faveur des échanges de ses prieurés en Espagne avec les Andalous ?

Quoi qu’il en soit, avec ses dinars almoravides, le trésor de Cluny illustre bien la quasi absence d’émission monétaire en or au Moyen-Âge en Occident chrétien. Il faudra attendre que Florence batte ses premiers florins en 1252 pour que les émissions d’or reprennent véritablement en Europe.

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