L’ADN d’une deuxième femme de Néandertal séquencé

La grotte de Vindija en Croatie a livré le deuxième génome complet d’un néandertalien – une femme – qui a pu être séquencé de façon fiable.

une équipe de l’Institut Max-Planck pour l’anthropologie évolutive à Leipzig vient de séquencer un second génome néandertalien féminin complet. Cette avancée est tout sauf anodine tant les données génétiques sur l’homme de neandertal sont parcellaires. 

Mesurons à quel point : entre 2010 et 2014, on a séquencé le génome de l’« Homme de Néandertal ». Mais comment ? D’abord en séquençant largement, mais avec une fiabilité médiocre, le génome d’une « chimère génétique », obtenu en raboutant les séquences ADN de trois individus néandertaliens de la grotte de Vindija en Croatie. Puis, en 2014, on a enfin séquencé avec une très bonne fiabilité le génome de l’homme de Néandertal. En réalité celui d’une femme néandertalienne de la grotte de Denisova, en Sibérie. Depuis, le génome de l’enfant de Mezmaiskaya, une grotte du Caucase, a aussi été séquencé mais avec une très mauvaise fiabilité.

Le nouveau génome provient d’un fossile de la grotte de Vindija en Croatie. Une fois de plus, il a été obtenu et séquencé par une équipe de l’Institut Max-Planck de Leipzig menée par Svante Pääbo. Comme le génome complet d’un ours des caverne avait pu être séquencé à partir d’ossements provenant de la même grotte, les chercheurs s’attendaient à ce qu’il soit possible de séquencer aussi un génome humain complet à partir des fossiles humains retrouvés dans cette grotte, où les néandertaliens ont vécu jusqu’il y a environ 44 000 ans. C’est dans le fragment « 33.19 », dont le caractère néandertalien avait été prouvé par le séquençage de l’ADN mitochondrial, qu’ils ont trouvé le plus d’ADN nucléaire. Une fois cet ADN discriminé de celui d’un mâle néandertalien qui l’avait légèrement contaminé puis séquencé, que nous apprend-il ?

D’abord, il permet de préciser la proportion néandertalienne du génome des Eurasiens modernes : toutes les populations non africaines hors celle d’Océanie portent entre 1,8 et 2,6 % d’ADN néandertalien. Cette analyse confirme aussi que les Extrêmes Orientaux en ont un peu plus que les Européens.

Il s’avère par ailleurs que le nouveau génome féminin néandertalien partage avec les Africains (dont le génome est censé être proche de celui des Sapiens qui sont sortis d’Afrique) le même nombre d’allèles (versions des gènes) que la femme néandertalienne de Denisova. En clair, il semble être à la même distance génétique du génome sapiens. Or le génome de la femme néandertalienne de Denisova avait montré qu’un métissage des néandertaliens avec les homo sapiens s’est produit il y a plus de 100 000 ans. Ainsi, il semble que ce métissage ait eu lieu avant que les populations européennes et sibériennes de néandertaliens n’aient divergé.

Un résultat qui résonne avec le scénario imaginé récemment par l’équipe de Cosimo Posth, de l’Institut Max Planck pour l’histoire humaine de Tübingen. Pour expliquer que l’ADN mitochondrial néandertalien semble plus proche de celui de Homo sapiens que de celui de son ancêtre Homo heidelbergensis, ces chercheurs ont proposé que le passage d’Afrique en Europe d’un groupe au génome proche de celui des hommes modernes se serait produit il y a entre 470 000 et 220 000 ans.

Le séquençage de la femme de Vindija a aussi permis à l’équipe de Svante Pääbo d’identifier 10 % de zones supplémentaires d’ADN directement héritées des néandertaliens. Ces résultats confirment ce qui avait déjà été constaté à partir de l’ADN de la femme néandertalienne de Denisova : les gènes néandertaliens que la sélection naturelle a conservé jusqu’à nous ont joué un rôle positif dans l’adaptation de nos ancêtres aux conditions régnant en Eurasie, notamment au froid. Toutefois, dans les conditions de vie actuelles, ces gènes favoriseraient nombre de maladies liées au «mauvais» cholestérol (LDL), à taux de vitamine D ainsi que l’obésité, l’arthrite rhumatoïde, la schizophrénie et certaines maladies de peau.

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